56 Finances & Développement Mars 2006
O
N ENTEND dire de plus en plus que la
microfinance est un remède miracle à la
pauvreté. Dans ce cas, pourquoi n’est-
elle pas plus répandue, et comment la
rendre plus accessible? Bien que le microcrédit existe
sous divers avatars depuis des milliers d’années,
on associe généralement son incarnation moderne
à Mohammed Yunus, fondateur de la Banque
Grameen. Dans son autobiographie, il explique
comment, alors qu’il enseignait au Bangladesh, il
comprit l’importance du crédit pour les pauvres.
Horrifié par les conséquences d’une famine récente,
il quitta le milieu protégé de l’université pour voir
de quoi vivaient les pauvres.
Dans un village voisin, il rencontra une jeune mère
qui fabriquait des tabourets en bambou. La matière
première lui coûtait 22 cents. Comme elle n’avait
pas d’argent, elle empruntait à un intermédiaire, à
qui elle était obligée de vendre les tabourets pour le
rembourser. Elle ne faisait que 2 cents de bénéfice.
M. Yunus était consterné : l’accès direct au crédit aurait
permis à cette femme de vendre directement à des
clients. Mais l’intermédiaire lui refusait cet accès, car
il aurait ainsi perdu son emprise sur elle. Parce qu’il
lui manquait 22 cents, cette femme était captive.
Beaucoup voient dans cette anecdote une illustra-
tion du plus grand fléau du capitalisme : l’exploitation
des travailleurs par le capital. Mais cette situation
est aux antipodes de ce qui fonde le capitalisme,
à savoir la liberté d’accès et la concurrence. C’est
parce qu’ils n’ont pas accès à un marché finan-
cier concurrentiel ou à une institution financière
bienveillante où ils peuvent emprunter à un taux
raisonnable que les pauvres sont maintenus dans
un état de dépendance.
Problèmes de solvabilité
Pourquoi les pauvres n’ont-ils pas directement accès
au crédit (prêts, comptes d’épargne, retraits d’espèces
et assurance)? Écartons d’emblée une explication :
la discrimination active à l’égard des pauvres. Dans
un monde avide de profits, on voit mal