La lutte pour la survie
Dans «Un monde plein de risques» (septembre 2005), Raghu-
ram Rajan explique que des gestionnaires de fonds mal moti-
vés peuvent ajouter au risque financier mondial. Avec la désin-
termédiation de l’épargne et le rôle accru des gestionnaires de
fonds, au détriment des banques, les risques se sont aggravés,
car ces gestionnaires sont davantage enclins à en prendre. Cet
argument repose sur l’idée que les gestionnaires de fonds, par
opposition aux banques, sont soumis à une structure de com-
pensation qui comporte plus d’avantages que d’inconvé-
nients, ce qui fausse leurs décisions d’investissement et favo-
rise les comportements à risque.
Je ne suis pas de cet avis. En schématisant, il y a deux types
de structures d’incitations. D’un côté, le gestionnaire bancaire
reçoit un salaire élevé et une petite prime en fonction de la
rentabilité globale de sa société. De mauvais résultats ne sont
pas sérieusement sanctionnés, car ils sont dilués dans les résul-
tats globaux de la banque. De l’autre côté, le gestionnaire de
fonds à haut risque rémunéré au rendement absolu reçoit un
salaire relativement faible et une prime plus élevée en fonction
de ses résultats individuels. Il peut ainsi être récompensé pour
de bons résultats, mais il peut aussi tout perdre, y compris son
emploi, dans le cas contraire. Il doit donc lutter sans cesse
pour sa survie, son objectif principal étant d’être encore «vi-
vant» le lendemain. Ce sont ces pressions qui le forcent à la
discipline et favorisent ainsi la maximisation des profits.
La définition symétrique de la responsabilité limitée place
les gestionnaires de fonds rémunérés au rendement absolu à
un niveau où les risques/récompenses sont particulièrement
élevés. Ce n’est pas le cas des gestionnaires de fonds rémunérés
au rendement relatif (par exemple les gestionnaires d’OPCVM),
auxquels s’applique peut-être davantage la structure d’incita-
tions faussée que dénonce M. Rajan.
Angel Ubide
Associé de recherche
Center for European Policy Studies, Bruxelles
Qui doit