François Coppée
Henriette
BeQ
François Coppée
1842-1908
Henriette
La Bibliothèque électronique du Québec
Collection À tous les vents
Volume 68 : version 1.01
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François Coppée est l’auteur de poésies, de pièces
de théâtre (Le passant, 1869 ; Pour la couronne, 1895)
et de contes (Contes rapides ; Contes tout simples).
Après une grave maladie, il revient au catholicisme ;
son roman, La bonne souffrance, publié en 1898, est
inspiré de cette expérience. Antidreyfusard, il participa
à la fondation de l’association antisémite dite Ligue de
la patrie française, avec Barrès et Jules Lemaitre.
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Henriette
(Paris, Libraire Alphonse Lemerre. Éditeur, 1889.)
4
À
mon cher biographe et ami
M. DE LESCURE
je dédie bien affectueusement
cette simple histoire.
F.C.
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I
Quand le curé eut donné l’absoute et quand les amis
et connaissances du défunt, sortis les premiers de
l’église après avoir jeté l’eau bénite, se furent formés en
petits groupes sur la place Saint-Thomas d’Aquin, des
conversations s’engagèrent entre ces hommes du
monde, heureux de respirer l’air vif, au clair soleil de
mars, après l’ennui d’une messe interminable, dans
l’atmosphère suffocante de l’encens et du calorifère.
– Ce pauvre Bernard... C’est dur, tout de même...
Boucler sa malle à quarante-deux ans !
– Sans doute. Mais il ne s’est pas assez ménagé,
convenez-en. En voilà un qui aura fait la fête, hein !...
– Et dit souvent : « J’en donne », à l’écarté.
– Et usé le tapis de l’escalier de Bignon.
– Il y a eu de l’albuminerie dans son affaire, n’est-ce
pas ?
– Une vie brûlée, quoi !... Le jeu, les femmes, la
bonne chère... L’équipage du diable... Est-ce qu’il
n’était pas un peu ruiné ?
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– Pas du tout. Il venait encore de réaliser une vieille
tante de cinq à six cent mille francs. Il doit, au
contraire, laisser à sa veuve et à son fils une très jolie
fortune.
– Alors, la belle madame Bernard se