Laure Conan
L’obscure souffrance
BeQ
Laure Conan
(1845-1924)
L’obscure souffrance
nouvelle
La Bibliothèque électronique du Québec
Collection Littérature québécoise
Volume 28 : version 1.2
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De la même auteure, à la Bibliothèque :
Angéline de Montbrun
Aux jours de Maisonneuve
Si les Canadiennes le voulaient !
L’oublié
À l’œuvre et à l’épreuve
La vaine foi
La sève immortelle
Un amour vrai
À travers les ronces
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L’obscure souffrance
1919, Imprimerie de L’Action sociale limitée, Québec.
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« Il n’importe pas qu’il soit
large le sillon que nous devons
tracer,
pourvu
que
nous
l’arrosions
de
nos
sueurs,
quelquefois de nos larmes, et
même de notre sang, si le devoir
l’exige. »
12 mai 18...
Quel étrange mois de mai ! Toujours de la pluie
mêlée de neige ou une brume presque aussi froide,
presque aussi triste. Cela m’affecte plus que de raison.
Dans ce printemps sans éclat, sans verdure, sans poésie,
sans vie, je vois si bien l’image de ma jeunesse.
Pauvre jeunesse ! Rien n’est triste comme le
printemps, quand il ressemble si fort à l’automne. D’un
jour à l’autre, je le sens plus douloureusement ; d’un
jour à l’autre, j’ai moins de courage.
L’abattement n’allège rien. Il faut réagir contre
l’ennui qui m’accable. Je le comprends et à défaut de
conversations agréables, de voyages, d’amusements,
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d’occupations
attachantes,
je vais
essayer du
recueillement et de la plume pour me distraire.
Chaque jour, je considérerai avec calme mes
devoirs, mes difficultés, mes sujets de souffrance. Je
m’interrogerai sur mes sentiments, mes désirs et mes
actes, non pour prendre de grandes résolutions que je
ne tiendrais point, mais pour m’apaiser, pour voir clair
en moi-même.
Déjà une partie de ma jeunesse est écoulée. Et ces
années, d’ordinaire riantes et légères, m’ont laissé tant
de rancœurs !
Ni la révolte, ni le dégoût n’adoucissent l’acuité de
la souffrance, je le sais. Je voudrais me résigner. Mais
accept