I
— Je vous entends mal, madame. Je vous appelle de
mon mobile, je suis dans la rue.
Je ne laisse pas le temps à mon interlocutrice de glis-
ser un mot, et poursuis, au bord des larmes, d’une voix
tremblante :
— S’il vous plaît, je suis le neveu de Christophe et
ma mère vient d’être hospitalisée d’urgence. J’ai besoin
de son numéro de portable. Pour le prévenir.
Je la sens hésiter. Elle se méfie peut-être. Et si Chris-
tophe Helan n’avait pas de famille ?
— Allô, monsieur ?
Sa voix est celle d’une femme entre deux âges. Je ne
réponds pas. Le silence fait monter la tension, je le sais.
— Vous m’entendez ? Monsieur, allô ?
— Oui, oui. Mon portable risque de couper. Les bat-
teries sont...
— Vous pouvez noter son numéro ?
Je prends garde à la faire répéter une fois, deux fois, à lui
faire croire que la communication saute sans cesse. La
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fenêtre de mon bureau est grande ouverte. S’y engouffrent
les bruits de circulation de la rue Saint-Honoré, en travaux
et en embouteillages, en klaxons.
La secrétaire de Christophe Helan a cru à mon désarroi,
à ma parenté avec lui. Elle raccroche sur un mot gentil :
— Bon courage, je lui dis de vous rappeler si je l’ai en
ligne avant vous. Il a votre numéro ?
— Mon numéro ? Oui, il l’a.
Je ferme la fenêtre, retourne à mon bureau, y pose mon
téléphone portable, m’effondre sur une chaise. Je vais
griller en enfer. Cette femme, si douce. Je l’ai dupée, pour
un numéro de téléphone. Mon regard plonge — le sous-
main en cuir noir fait vulgaire, sur l’acier du bureau.
— Tu as réussi à avoir Helan ?
Paul surgit. Ma porte est toujours ouverte, c’est la
règle du cabinet : « Open door policy », a précisé la direc-
trice en me présentant la firme, lors de mon entretien
d’embauche.
— Je viens de récupérer son numéro de portable. Je
l’appelle tout de suite.
— Madre de dios, il nous le faut, lui. Tienes que llamarle
ahora, Federico.
— Évidemment. J’ai un déjeuner dans le quartier.
On fait un point avant que j’y ai