Burne-Jones occupe une place marginale dans la création artistique de
la seconde moitié du XIXe siècle. Pratiquement autodidacte, il commence sa
carrière assez tardivement, alors que les préraphaélites
accaparent l’avant-scène artistique anglaise. Son art très personnel s’est
épanoui dans un contexte social, politique et économique qu’il importe de
replacer dans l’histoire du goût pour les écoles dites « primitives ». Alors que
Paris s’enorgueillit des grands travaux d’urbanisme en voie d’achèvement, le
Londres victorien des années 1870 évoque encore les romans de Dickens.
Plutôt que de peindre la vie moderne, alors très marquée par les forts
contrastes économiques et sociaux liés à la révolution industrielle, les artistes
britanniques préfèrent prendre leurs références dans l’art du Moyen Age ou
celui des primitifs italiens qui leur offre une image de stabilité et de savoir
technique qui rassure dans le contexte d’une société en pleine mutation.
Burne-Jones, rejetant la peinture de genre et les fonds sombres de la peinture
historique de ses contemporains, puise aux sources bibliques, mythologiques
ou littéraires pour forger une œuvre originale. En travaillant avec rigueur et
détermination, il parvient à dépasser les limites inhérentes aux visées morales
des créations de ces artistes.
Dans le contexte du puritanisme victorien, la genèse de sa vocation est
intimement liée aux rencontres successives qu’il fait dans les années 1850 :
Morris, Rossetti ou Ruskin ont, en quelque sorte, servi de réactifs à cet artiste
prolifique, lui permettant de dégager les points forts de ses aspirations.
Les séries qu’il entreprend dans les années 1870 témoignent de son souci
d’explorer à fond les potentialités esthétiques de sujets désormais limités et
récurrents. Dans une ère dominée par les tableaux narratifs, il parvient à
dépasser l’anecdote pour inciter le spectateur à concentrer son attention sur
les qualités formelles de ses créations. Fort de la conviction qu’il n’y a pas
d’un côté des arts mineu