François Coppée
Contes rapides
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François Coppée
1842-1908
Contes rapides
La Bibliothèque électronique du Québec
Collection À tous les vents
Volume 413 : version 1.01
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François Coppée est l’auteur de poésies, de pièces
de théâtre (Le passant, 1869 ; Pour la couronne, 1895)
et de contes (Contes rapides ; Contes tout simples).
Après une grave maladie, il revient au catholicisme ;
son roman, La bonne souffrance, publié en 1898, est
inspiré de cette expérience. Antidreyfusard, il participa
à la fondation de l’association antisémite dite Ligue de
la patrie française, avec Barrès et Jules Lemaitre.
3
Contes rapides
(Paris, Libraire A. Lemerre, 1889.)
4
À Francis Magnard,
son ami,
F. C.
5
L’invitation au sommeil
6
I
Quand il n’était qu’un tout petit garçon, autrefois,
chez ses braves gens de père et mère, c’était le meilleur
moment de la journée.
Le dîner était fini ; la maman, après avoir donné un
coup de serviette à la toile cirée, servait la demi-tasse
du père, – du père qui, seul, prenait du café, non par
luxe et gourmandise, mais parce qu’il devait veiller très
tard à faire des écritures. Et tandis que le bonhomme
sucrait son moka, – un seul morceau, bien entendu ! –
devant toute la famille assise autour de la table ronde, la
maman, – une boulotte de quarante ans, encore fraîche,
tournant sans cesse vers son mari de tendres et
intelligents regards de chien fidèle, – la maman
apportait le panier à ouvrage. Les trois sœurs, nées à un
an de distance, se ressemblant, chastement jolies, avec
les robes taillées dans la même pièce d’étoffe et les
honnêtes bandeaux plats des filles sans dot qui ne se
marieront pas, commençaient à ourler des mouchoirs ;
et lui, le gamin, le dernier-né, le Benjamin, exhaussé
sur sa chaise haute par une Bible de Royaumont in-
quarto, édifiait un château de cartes.
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En juillet, dans les longs jours, on allumait la lampe
le