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DG/2001/51 Original: français ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L’EDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE Discours de M. Koïchiro Matsuura Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) à l’occasion de la table ronde thématique sur l’éducation et le développement durable dans les PMA Bruxelles, 16 mai 2001 1 Monsieur le Secrétaire général, Mesdames et Messieurs les Ministres, Monsieur le Président, Monsieur l'administrateur adjoint, Excellences, Mesdames, Messieurs, Chers collègues, Je suis particulièrement heureux de me trouver aujourd’hui parmi vous, pour ouvrir cette table ronde organisée par l’UNESCO sur le thème « éducation et développement durable dans les pays les moins avancés ». Je suis très honoré que des personnalités si prestigieuses aient accepté mon invitation. Je suis en particulier très heureux que Monsieur Kientega, Ministre de l’alphabétisation et l’éducation de base du Burkina Faso, et Monsieur Mackenzie de l’USAID, aient accepté de co-présider cette table ronde. Je suis convaincu que cela augure bien de nos délibérations. Permettez-moi également d’accueillir avec plaisir la présence de nos collègues de l’UNICEF et de l’Agence intergouvernementale de la francophonie à cette table, ainsi que touts les distingués panélistes, parmi lesquels Madame la Ministre de l’éducation de Gambie. Une telle table ronde, qui vise à mettre en avant le rôle que peut avoir l’éducation dans le développement durable, est très appropriée. Car au-delà de toutes les solutions que nous pourrons trouver, au cours de cette troisième Conférence des Nations Unies consacrée aux pays les moins avancés, pour aider ces pays à améliorer le niveau de vie de leurs populations, il en est une qui est la clé de beaucoup d’autres : c’est l’éducation. Car dans des pays où la ressource principale et parfois unique est la ressource humaine, on mesure tout l’enjeu d’un renforcement des capacités à travers l’éducation, en particulier dans les zones rurales, où vit la majeure partie de la population. Cela a été l’un des grands enseignements du Forum de Dakar, qui a validé le concept d’une éducation de qualité, formelle et non formelle, comme élément clé de toute stratégie d’éradication de la pauvreté. Rien de nouveau, me direz-vous. Je n’en suis pas si sûr. Le contexte mondial de ce début de siècle est nouveau. La pauvreté gagne du terrain dans la majeure partie du monde, tandis que les richesses, en augmentation, sont concentrées dans les mains d’une infime partie de personnes. La mondialisation, qui place la connaissance au cœur du processus de développement et de croissance économiques, rime pour une majeure partie de la population du globe avec marginalisation. L’éducation n’est donc plus simplement un droit fondamental consacré par la Déclaration universelle des droits de l’homme, et auquel aspire 2 légitimement tout être humain au titre de son épanouissement personnel. Elle est la condition préalable à tout développement, à la réduction du chômage et de la pauvreté, au progrès social et culturel, à la promotion des valeurs démocratiques, et à l’établissement d’une paix durable. Encore faut-il qu’elle soit délivrée avec toutes les garanties de qualité qui doivent être les siennes. Car ce qui est également nouveau, c’est la conception élargie de l’éducation que nous avons été amenés à forger, en grande partie grâce aux excellents travaux de la Commission présidée par Jacques Delors sur l’éducation au XXIe siècle. Il ne s’agit en effet plus aujourd’hui de parler d’une instruction se limitant au savoir lire, écrire et compter, ou à l’apprentissage restreint d’un métier. Sa fonction est d’aider l’individu à répondre et s’adapter rapidement à un environnement social, économique, technologique et culturel en constante évolution, de créer chez lui des attitudes et des aptitudes — « apprendre à apprendre, apprendre à faire, apprendre à être et à vivre ensemble » — tout en respectant pleinement son identité culturelle, qui passe en particulier par l’enseignement dans les langues locales. Cela signifie aussi qu’il s’agit d’une éducation qui s’adresse à tous les individus, femmes et hommes, jeunes et adultes, intégrés ou non dans les systèmes scolaires conventionnels. L’éducation est un processus qui doit accompagner l’individu tout au long de la vie, et donner chaque jour davantage de chances à son épanouissement et son émancipation. Cette éducation de qualité est une arme puissante contre la pauvreté : d’une part parce qu’elle offre aux enfants et aux jeunes les capacités, les compétences, les savoirs, les attitudes et les valeurs susceptibles de mieux les armer pour faire face aux nouvelles contraintes qui pèsent sur eux ; d’autre part, car elle est source d’un meilleur développement, lui même générateur d’un niveau de vie plus élevé. Ce qui est nouveau, enfin, c’est la prise de conscience collective et l’engagement résolu de l’ensemble de la communauté internationale dans un mouvement global en faveur de l’éducation pour tous, assortis d’objectifs concrets. L’éducation de base pour tous est désormais inscrite au plus haut niveau de l’agenda international en faveur de l’éradication de la pauvreté. Car, comme l’ont déclaré les participants au Forum mondial de l’éducation à Dakar en avril 2000, les objectifs nationaux et internationaux de réduction de la pauvreté ne seront pas atteints et les inégalités entre les pays et au sein des sociétés iront s’aggravant si nous n’enregistrons pas de progrès rapides en matière d’éducation pour tous. Certains pays, tels que le Bangladesh, le Brésil et l’Égypte, ont montré qu’il était possible de réduire le nombre d’enfants non scolarisés, en allouant près de 6 % de leur produit national brut à l’éducation. Je me réjouis de constater que le Sénégal — nouvellement inclus dans le groupe des pays les 3 moins avancés, et qui a accueilli l’an dernier le Forum mondial sur l’éducation — a achevé son premier plan national en faveur de l’éducation pour tous. La situation des pays les moins avancés appelle à une mobilisation renforcée des ressources et des volontés. Certains pays font face à des situations particulièrement dramatiques, aggravées par les ravages du sida, les conflits internes et les crises de gouvernance. Il nous faut donc imaginer de nouvelles modalités et de nouvelles approches éducatives ; je pense en particulier à la formation scientifique et technologique, à l’enseignement technique et professionnel, et aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, qui peuvent être des outils précieux pour atteindre les laissés pour compte de l’éducation. Nous disposons désormais d’un cadre d’action — celui approuvé à Dakar. C’est à partir de ce cadre que nous devons travailler pour les pays les moins avancés. Permettez-moi d’en résumer les trois éléments clés : Premier élément : le cœur de l’action se situe au niveau national. Ce sont les gouvernements qui détiennent la responsabilité majeure de la mise en œuvre des objectifs de Dakar. C’est à eux d’allouer une grande partie de leurs ressources à l’éducation de base dans leurs budgets nationaux. Chaque gouvernement doit également pouvoir bénéficier du soutien de ses partenaires : « en interne », à travers ses alliances avec la société civile, les communautés locales et le secteur privé, et « en externe », grâce à l’assistance des agences multilatérales, des donateurs internationaux et régionaux, des partenaires bilatéraux, et des organisations non gouvernementales. Pour être fidèle aux engagements que nous avons pris à Dakar, un accent particulier doit être mis sur l’assistance apportée aux pays de l’Afrique sub-saharienne et de l’Asie du Sud, ainsi qu’aux pays les moins avancés dans les autres régions. Le deuxième élément clé, c’est l’urgence qu’il y a à préparer ou à réviser les plans nationaux pour l’Éducation pour tous, et ce au plus tard en 2002. La préparation des plans d’action nationaux, qui s’effectuera à travers un large processus participatif, devrait permettre d’établir des calendriers de mise en œuvre plus rapides et touchant toutes les catégories de bénéficiaires. Troisième élément clé, tous les partenaires de l’Éducation pour tous doivent tirer parti de cet élan actuel en faveur de l’action, de la coopération et du travail en réseau. En d’autres termes, nous devons construire sur ce qui existe déjà. Nous devons respecter et bâtir sur les efforts déjà accomplis par les États membres et les partenaires du développement depuis de nombreuses années afin de faire du droit à l’éducation une réalité vécue pour tous. 4 Depuis le Forum de Dakar, j’ai mis en place un certain nombre de dispositifs afin de permettre à l’UNESCO d’assumer au mieux le rôle de coordonnateur du suivi de Dakar dont elle a été investie. Placée au premier rang des priorités de l’Organisation, une réorganisation en profondeur — en termes structurel, budgétaires et de ressources humaines — a été réalisée au sein du Secrétariat afin de le doter des moyens de faire face à ses engagements. L’UNESCO s’est attachée à orienter les divers partenaires pour leur permettre d’aider les pays à dresser leurs plans nationaux en faveur de l’éducation pour tous. Elle a également mis en place un observatoire au sein de son Institut de statistique destiné à fournir l’information et les données nécessaires à l’établissement de priorités à la lumière des réalités concrètes. Sa mission est également de coordonner la mobilisation de fonds pour aider les gouvernements à mettre en œuvre leurs politiques et plans en faveur de l’éducation pour tous, puisque les participants à Dakar ont solennellement affirmé qu’« aucun pays ayant pris un engagement sérieux en faveur de l’éducation de base ne verra ses efforts contrariés par le manque de ressources ». Mais sa mission principale est probablement de faire en sorte que cet élan collectif en faveur de l’éducation pour tous, qui a été formidablement renforcé à Dakar, ne faiblisse pas un seul instant, et que l’ensemble des partenaires maintiennent les yeux rivés sur ces objectifs que nous nous sommes fixés, sur cette date cible de 2015 où tout aura dû changer. Vous êtes tous ici présents, Excellences, Mesdames, Messieurs, les acteurs de ce changement. Je voudrais m’adresser plus particulièrement aujourd’hui à ceux d’entre vous qui constituent ce qu’on appelle « la société civile » — les organisations non gouvernementales, le secteur privé. Non que les autres partenaires soient de moindre importance. Mais j’ai plus souvent l’occasion de les rencontrer, et ils connaissent mon message. Je voudrais leur dire combien leur participation à cet effort commun est capitale. Si les États doivent assumer les responsabilités qui sont les leurs en matière d’éducation et assurer un service public de qualité, il est clair qu’ils ne peuvent faire face seuls à l’ampleur de la demande. Je pense en particulier à la multiplicité des actions qui peuvent être menées dans le domaine de l’éducation non formelle, y compris des adultes, et à l’extraordinaire travail que savent accomplir les organisations non gouvernementales dans ce domaine. Je pense également à l’enseignement supérieur et à la recherche, qui ont des besoins immenses de financement, et qui peuvent forger des partenariats fructueux avec le secteur privé. J’aurais d’ailleurs souhaité que votre rôle, notamment celui des organisations non gouvernementales, soit mieux reflété dans le plan d’action qui sera adopté à l’issue de cette Conférence. 5 Aujourd’hui, on estime à peu près à 872 millions le nombre total d’adultes analphabètes dans le monde. Dans les pays les moins avancés — qui comptent près d’un dixième de la population mondiale —, ils représentent près de 50 % de la population, contre 20 % en moyenne dans le monde. La majeure partie des personnes privées d’éducation sont des filles ou des femmes. Sur les 113 millions d’enfants en âge d’être scolarisés dans le primaire qui ne vont pas à l’école, 41 % vivent dans les PMA. Les enjeux sont immenses. Gardons-nous cependant de céder à l’empressement, et de nous lancer dans des actions d’urgence non coordonnées, mal planifiées, insuffisamment ciblées. La date de 2015 est proche, mais suffisamment lointaine pour laisser le temps à chaque pays de construire ses plans sur de solides fondations. Chacun d’entre nous doit savoir s’intégrer harmonieusement dans ce grand défi que nous nous sommes lancé collectivement. Chacun doit faire tout ce qui est son pouvoir pour le relever, et apprendre aussi. Apprendre à mieux exploiter son propre potentiel, et à mieux travailler avec les autres, à mieux les écouter. Je suis confiant que cette table ronde sera l’occasion de démontrer que nous sommes déterminés à réussir ce pari.